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      Publié par Jérôme Berny sur 13 Septembre 2014, 10:53am

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      Comme dans de nombreuses civilisations, l’alcool est en Chine un vecteur important de socialisation.


      Le monde occidental perçoit les asiatiques comme des personnes pudiques qui n’expriment pas ou peu leurs émotions. Les sentiments de colère, de joie, de déception ou d’étonnement s’extériorisent davantage dans les cultures d’Occident alors qu’ils paraissent mieux contrôlés en Asie. Je pense que ce cliché culturel possède sa part de vérité.




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      Il n’est pas facile, vous en conviendrez, de contrecarrer une tradition comportementale millénaire. L’alcool peut alors aider, c’est la clé qui permet de s’ouvrir aux autres, de faire tomber ce masque opaque, l’espace de quelques heures, le temps qu’il faut pour offrir à son entourage un peu plus qu’une façade inexpressive. Les spiritueux permettent aussi de s’amuser. Ils  offrent cette capacité de désinhibition qui est un élément essentiel de toute approche relationnelle. Nous entendons d’ailleurs très souvent en Chine le fameux adage : « No beer, no happy. » Cette expression est un argument fort, quasi commercial, censé nous convaincre des bienfaits de boire sans retenue. Sa popularité est telle que de nombreux Chinois en maîtrisent la prononciation dans la langue de Shakespeare, ce qui, vous en conviendrez, est quelque peu insolite.


      Accepter de boire avec un interlocuteur, c’est donc tout simplement accepter de s’ouvrir à lui. C’est l’autoriser à voir qui se cache derrière notre façade, permettant ainsi d’entrer dans une relation d’intimité.


      Pour qu’il y ait intimité, il faut qu’il y ait rapprochement. Pour qu’il y ait rapprochement, il faut qu’il y ait parité. La parité n’est alors possible que si les barrières sociales, culturelles ou intellectuelles tombent le temps de l’entrevue. L’alcool permet alors de remettre tout le monde à niveau, lissant ainsi toutes ces différences qui, en temps normal, ne permettraient pas une relation naturelle. Dans un environnement où la pression sociale est omniprésente, où l’argent et le pouvoir dictent bien souvent les comportements relationnels, il est parfois nécessaire d’utiliser de tels vecteurs de socialisation. L’alcool nous libère d’un poids. C’est un peu comme laisser son blouson ou sa veste sur un portemanteau à l’entrée du salon pour se sentir plus à l’aise.


      En Chine, boire de l’alcool, c’est aussi relever un défi. C’est une arme dont on se sert pour déstabiliser l’autre, une épreuve de force, de résistance physique. Attention cependant à ne pas se tromper d’objectif. Bien que ces beuveries soient souvent l’objet de provocations et de défis, gardons en tête que leur but reste amical et bien attentionné. Tout le monde doit être heureux.


      Si j’utilise ici des termes à connotation très militaire, comme « défi », « arme », « force », « résistance », ce n’est pas innocent. En effet, il y a derrière cette tradition du Ganbei, toute une série de règles à respecter et de stratégies à appliquer. Il ne s’agit pas simplement d’un duel où celui qui peut boire le plus gagne. Heureusement d’ailleurs. En regardant sous le capot d’une tradition fruste en apparence, nous découvrons un assortiment de stratégies très subtiles. Cet environnement de combat pourrait s’apparenter à un match de rugby. Il s’agit, à première vue, d’une épreuve de force, de puissance et de résistance. Cependant, les gens qui s’intéressent quelque peu à se sport savent que derrière la virulence des contacts se cache généralement une tactique élaborée où le cœur, l’intelligence et le collectif prédominent sur la seule capacité physique.


      Il y a cependant une différence majeure par rapport à d’autres types d’oppositions : au jeu du Ganbei, il ne doit y avoir ni vainqueur ni vaincu. Notre but ne sera pas de terrasser l’adversaire mais plutôt de le pousser vers ses limites. La victoire ne s’obtient qu’à deux parties. Si, lors de la soirée, tout le monde est heureux et satisfait, c’est alors une victoire collective qui englobe l’ensemble des participants.


      Il est je pense important de mentionner cette particularité. En effet, celui ou celle qui ciblera mal son objectif de victoire risque de subir au final une cinglante défaite. Cela pourrait être le cas si nous cherchons, par exemple, à « achever » l’autre, sans vraiment agir selon les règles et le code de l’honneur. Une telle attitude de défi a de fortes chances de froisser notre vis-à-vis et son entourage.


      Il est important de savoir qu’accepter une invitation en Chine, c’est s’exposer au risque de devoir boire de l’alcool, beaucoup d’alcool parfois. Connaissant ce type d’implication nous pourrons alors mieux nous préparer. La préparation sera d’ordre psychologique, pour éviter toute mauvaise surprise, mais également d’ordre tactique, pour cette fois éviter que l’expérience ne soit trop désagréable. Nous l’avons mentionné déjà à maintes reprises, le but d’un tel repas, sera toujours de créer une atmosphère suffisamment joviale pour que tout le monde soit heureux. L’alcool est alors utilisé comme moyen pour atteindre cet objectif. Nos amis d’un soir essaieront donc de nous faire boire un maximum, de nous rendre ivre.


      Extrait du livre Réussir en Chine grâce aux cercles d'amis




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